jeudi 1 avril 2010


Je suis perdu. Cela fait quatre jours que je tourne l'aventure passée sous toutes ses coutures.
Je n'arrive pas à m'en sortir.
Peut-être n'ai-je pas envie.
De m'en sortir.

L'aventure vient se mélanger à d'autres, engagées, à 260 corps de soldats australiens, sortis de terre, dans ces champs de batailles qui furent mon terrain de jeu, mon lieu d'enfance. 260 soldats exhumés, après quatre vingt dix années passées côte à côte, dans un champ, près du bois du faisan...
Aujourd'hui, à cet endroit-là, il y a un espace vide, un paysage entouré d'une petite barrière, à l'oeil nu c'est une prairie, verte, à l'herbe tendre, printanière. Entourée de barrière. Vu d'un autre oeil ( d'un autre versant aurais-je pu dire pour reprendre une expression employée ici hier), cette prairie est un remue-tripes, j'y passe et, très vite, une boule informe monte en moi, un mélange de tristesse et, pour la première fois hier, le rouge de la colère m'est apparu surnageant les hectolitres de sang, versés là... c'est dans cet espace vide, que je vais venir poser le mot "ROUGE", le temps d'une photo, je file déjà vers d'autres projets, les Pyrénées se mélangeant à la plaine des Flandres...

J'ai bien quelques idées sur ce projet "poésie/poesìa", mais rien de convaincant: il s'est vraiment passé quelque chose, d'encore vague, mais présent, ou pressenti, que je veux essayer de cerner...
Là est mon travail. Epingler avec la dague de l'esprit, la forme fantomatique qui rode sur les remparts de ma personne.

Je me laisse le temps de la mue, à vue de nez, là où le soleil m'a frappé, sur la crête du tarin, rouge fut sa couleur au début. La peau désormais tombe, comme un effet secondaire de cette poésie emmenée aux sommets et du soleil posant ses couleurs sur chacun d'entre nous.
Le temps de la mue.

Au dessus du bureau, la gravure à l'origine du projet, une idée jetée, monotype en rouge et noir. Pendant des années cette gravure fut la seule image de ce projet. Aujourd'hui, je la trouve un peu plate, un peu maladroite.
Elle portait toute une tension, un aller-vers, des potentiels. Voilà qu'elle vient d'être projetée dans le royaume des croquis préparatoires d'une idée actée. La mue est là. Je crois.

Mon projet est devenu notre histoire.

1 commentaire:

  1. a été / été / fut
    trois mots posés dans le cimetière de Lacommande
    une réverbération m'a saisie, en marchant sur le gravier entre les tombes, tout à coup, tout s'ouvrait devant moi, le temps, l'espace, la vie, la mort même.
    un souffle dynamique qui fait rebondir le sens, les sens, qui projette loin , très loin,
    un présent, un devenir,des possibles.

    poésie / poesia portés sur des mannequins, habillés de noir, à la bibliothèque de Jurançon, une tente 2""ouverte et posée au sol, un réchaud, une gravure, encore un souffle qui me fait sortir du lieu, me conduit en montagne, dans les intempéries, le sentier, la neige, le caillou,
    la force de ces mots portés d'ici, /poésie / là bas / poesia /
    traverser, expérimenter, ouvrir des possibles, se laisser imprégner,
    encore des mots posés qui font rebondir, invitent au voyage, de l'esprit, de la découverte, d'un au delà non connu ce jour,

    alors, cette troisième rencontre, ce sera un we de fin mars, la météo est bonne, nous pouvons y aller.
    préparer le sac, du bonheur, le duvet, les raquettes,une bonne bouteille de Jurançon,
    Poésie dans les chais, toute une saveur en arrière bouche,
    Arrivés à Lescun,ouvrir le fourgon, découvrir les lettres posées les unes sur les autres, comme un trésor attendu, chacun choisit celle qui lui plait, je choisi le I,
    Sac à dos, raquettes ficelées, je le prends sous le bras. La neige et le grésil , le vent et la bourrasque,
    C'est incroyable, mais les mots avec un i me viennent pèle mêle,je monte lentement, et je suis solidaire des six lettres de p o é s i e.
    Alors un grand lâcher prise se fait sentir dans le groupe, c'est monumental de monter avec ce mot. Inédit, jamais vu, imprévisible, mais c'est ainsi, une douceur calme s'installe entre nous, comme si le mot lui même se mettait à déteindre sur nous malgré le mauvais temps, et nous voilà avec l'envie de le poser dans une hêtraie, de faire des prises de vues, des photos, c'est magnifique de voir que ce mot va bien sur tous les endroits où nous l'installons,
    Installation, c'est bien ce que je ressens avec toute l'attention que nous lui portons, attention à la montée, attention à la descente, la même attention dans un couloir d'avalanche que sur une crête, dans la bourrasque de neige que sous le cagnard du lendemain.
    L'enregistrement de nos échanges aurait été aussi surprenant que les photos et les films rapportés, les plaisanteries, les pubs, nous avons joué à dire tout ce qui nous passait par la tête, que du bonheur cette expérience.
    Notre disponibilité à porter, à partager, nous laisse avec un grand sourire aux lèvres, une complicité déjà à continuer de perdre du temps pour emprunter ce nouveau chemin de découverte, un chemin qui se meuble d'écrits, d'éclosions, d'essoufflements, d'échos, à emprunter jusqu'en Espagne. MHM
    05.04.2010

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