mercredi 31 mars 2010



L'image est belle...
Une trace infime d'un temps passé dans la montagne.
Une image qui, vue de ce versant, à nous qui y étions, est le souvenir d'un temps pris, ensemble.
Vue de l'autre versant, le vôtre sans doute, cela me semblerait, à votre place, une image étrange, comme tirée d'un film, d'un autre monde, d'une aventure... cette image est délimitée, cadrée, colorée, figurative, lettrée, mais une fois traversée par votre regard elle se remplit d'imaginaire et de rêve, si, et seulement si, en vous, elle est écho.
L'écho d'une chose déjà présente et retrouvée dans cette image.

Nous, nous l'avons fait, vécu, nous savons le hors-cadre, la morsure du vent, les refuges et les tablées riantes, cette image pour nous fait partie d'un temps plus long, carné, dont elle n'est qu'un instant figé. D'un tout. Passé.

Un passage en fraude
de poésie, sans papier, via la vallée d'aspe,
vers l'espagne et les sommets.

Une aventure qui n'est là que parce que nous fûmes tous là. Pour la plupart inconnus, groupés au dernier moment, encordés, chacun amenant ce qu'il est. Chacun apportant sa pierre de l'édifice. Un mot. Six lettres.
Une manque, et le mot n'est plus.

Et puis il y a le reste. Le geste. Une certaine alchimie. Qui fait que cette aventure fut plus qu'un simple mot trinqueballé sur la page blanche de la neige dans ses derniers instants avant le printemps germant. Plus que de simples lettres endossées pour une ascension groupée vers le sommet, il y eut, dans tout ce beau bazar, la magie de la phrase.

L'aventure fut une des plus belles, le genre d'aventure qui valident les chemins, des fois, un peu trop solitaires, à porter ses idées contre vents et marées, à sortir la lance au moindre moulin à vent. De ces chemins empruntés, souvent à d'autres aussi, à lire, à prendre le temps de devenir ce que l'on est, de se chercher, des noises, pour se casser la gueule, en avançant vers là où l'on croit être, à écrire, à s'écrire, à se lire, arpenter ces chemins où l'on prend le temps de se former, de s'atteler à une tâche que l'on est seul à pouvoir faire: bouffer sa vie, mâcher la chair fraîche de l'instant, se frotter au réel malgré tout et rentrer dans le lard du monde pour en toucher l'essence.

La lourdeur de ce chemin n'est relevée
que par la beauté des rencontres.

Et dans cette traversée des Pyrénées, avec la poésie épaulée, quelque chose s'est passé, entre nous.
Bien plus qu'un simple mot.
Peut-être le souffle du verbe...

Comme une grosse patte d'ours
nous caressant les cheveux.